Pourquoi le Québec est davantage épargné par l’influenza aviaire ?
Alors que les cas d’influenza aviaire se multiplient dans les élevages avicoles de l’Ouest canadien avec 64 cas actifs, le Québec n’en a que trois et l’Ontario, un. Pourquoi ? C’est la question à laquelle la vétérinaire épidémiologique Manon Racicot de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a voulu répondre lors du plus récent Rendez-vous avicole AQINAC de novembre 2023.
En 23 mois jusqu’à la conférence de Manon Racicot, le 15 novembre 2023, il y avait eu 374 fermes infectées, dont 15 réinfectées et 9 infectées par deux virus. Au total, 215 zones de contrôle ont été établies et 900 appels ont été effectués pour des oiseaux malades.
Selon Manon Racicot, trois raisons expliquent pourquoi le Québec diffère : la saisonnalité des cas, la mutation du virus et la distribution de l’industrie. Au Canada, il y a eu deux portes d’entrée pour l’évènement actuel d’influenza aviaire H5N1 : Terre-Neuve en novembre 2021 dans l’Est, et la Colombie-Britannique en février 2022, dans l’Ouest.
Après l’entrée du virus, celui-ci s’est recombiné avec le virus nord-américain présent sur notre territoire. Le virus a été détecté chez les oiseaux migrateurs aquatiques. Les cas répertoriés en 2022 ont été très nombreux, mais moindre cette année. Mais attention! Ça ne veut pas dire qu’il y a beaucoup moins de virus. « On pense que le virus est encore présent, explique Manon Racicot. On a moins de cas détectés, mais on a aussi moins de signalements. » En entrevue, Manon Racicot explique que le grand nombre de cas jusqu’à ce jour chez les oiseaux sauvages de l’Est du Canada pourrait avoir apporté une certaine immunité.
Jusqu’à ce jour, quatre vagues sont survenus au Canada : printemps 2022, automne 2022, printemps 2023 et automne 2023. Il s’agit des saisons de migrations des oiseaux, mais aussi des périodes pendant lesquelles la température est favorable à la transmission du virus. « Le virus vit très bien quand la température est froide et humide », précise Manon Racicot. Le milieu contaminé peut alors rester contaminé longtemps.
Une des inquiétudes avec l’influenza aviaire, c’est qu’une mutation du virus permet l’adaptation du virus chez les mammifères, surtout les mouffettes. Cela occasionne des préoccupations en santé publique. C’est pourquoi Manon Racicot recommande aux gens de l’industrie avicole de se faire vacciner contre la grippe saisonnière. Cela diminuera les risques de recombinaisons entre les deux virus, en cas d’infection.
La présence plus importante de canards au Québec pourrait en partie expliquer la différence avec l’Ouest canadien. Les canards s’infectent, mais très peu en meurent contrairement aux dindons qui meurent tous. Or, au Québec, il semble y avoir une corrélation entre les élevages de canards infectés et ceux de dindons.
Attention à la biosécurité
La transmission par la ventilation est peu probable. La localisation de la ferme peut être un problème, comme la proximité d’un plan d’eau. En fait, les cas répertoriés ont la plupart du temps été infectés par un bris de biosécurité ou par des équipements inadéquats. C’est le cas par exemple d’un bac de carcasses contaminés, d’un employé qui travaillait sur plusieurs fermes, de la sortie de fumier contaminé, une mauvaise position du congélateur, un fil électrique au-dessus de la porte d’entrée du poulailler où des oiseaux sauvages peuvent se percher, d’un employé qui sort par la porte de côté pour fumer… Manon Racicot rappelle qu’il ne faut pas rehausser la vigilance seulement lorsqu’un cas a été détecté dans sa région. Il est alors parfois trop tard.
Rencontré durant l’évènement, le coordonnateur de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (ÉQCMA), Martin Pelletier, se réjouit du fait qu’il y a moins de cas cet automne, mais il insiste sur l’importance de maintenir la vigilance en matière de biosécurité. Pour ce qui est d’une certaine immunité développée chez les oiseaux sauvages, Martin Pelletier ne veut pas que ce soit une raison pour baisser le niveau de biosécurité. « Ça ne veut pas dire que si le virus rentre dans un élevage, il n’y aura pas autant de dommages », dit-il.
Source : Le Bulletin des agriculteurs